(Reportage de Radio Canada Matane)

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  8 septembre 1942:            La Bataille du St-Laurent

Le  MEADCLIFFE HALL, une barge de chargement, évita le torpillage que son capitaine déjoua en changeant de course en apercevant la torpille. Marc-Henri Lamoureux, premier maître, mit son navire au quai de Grande-Vallée et prit une voiture pour se faire conduire à Saint-Yvon, prendre connaissance des dégâts causés par l’explosion dans les rochers de la plage. Le submersible était commandé par l’audacieux commandant Hartwig et sous-marin portait le nom de U-517.

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VOICI SON TÉMOIGNAGE :

 Le sous-marin U-517 de Paul Hartwig arriva dans le golfe le 26 août. Dès son arrivée dans le détroit de Belle-Isle, il aperçut un convoi de navires militaires en route pour le Groenland. Deux torpilles furent lancées en direction du navire américain U.S. Chatham. Une seule explosa sur la coque mais l’impact fut suffisant pour faire couler le bateau en trois minutes, causant la mort de 23 soldats américains. Le lendemain, toujours dans le détroit, U-517 torpilla un autre navire américain, le U.S. Arlyn, tuant 9 personnes. Le navire américain U.S. Laramie fut également torpillé par le sous-marin U-165, mais il ne fut toutefois pas coulé. Le U-517 de Hartwig s’engagea alors plus avant dans le golfe. Le 3 septembre, il coula le premier navire canadien, le SS Donald Stewart, au large entre Terre-Neuve et la côte nord. Le navire coula en 7 minutes, mais miraculeusement, seulement trois hommes furent tués lors de cette attaque.

Paul Hartwig Commandant Paul Hartwig

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Marc-Henri Lamoureux se raconte :

«  Voyez-vous ce qui est arrivé, c’est que le 8 septembre 1942, j’étais premier maître sur le Meadcliffe Hall. On montait chargé de bois de pulpe qu’on avait chargé ici à Carleton et puis pour Augusbury, si je me rappelle bien, Augusbury, New-York ».

 

« Dans l’après-midi, je prends mon quart comme d’habitude, vers midi un quart, et vers deux heures et cinq, au large de Saint-Yvon, dépassé Cap Desrosiers, je commençais à m’éloigner de la côte un peu, parce que la côte je la connaissais bien, et puis une torpille a sorti de l’eau à un mille de nous autres. Elle avait été mal tirée, naturellement, et puis elle a flotté au-dessus de la  mer en venant dans notre direction. Naturellement, j’ai crié très fort à l’homme de roue : «  tout à gauche ! » et elle est passée vingt pieds de nous autres et elle est allée s’écraser à terre, à Saint-Yvon. »

« Vous avec été assez rapide sur la manœuvre »

« Assez rapide, oui, mais ce qui est arrivé, quand on voit une affaire comme ça, ça prend quelques secondes et en même temps, c’est énervant à voir. Mais c’est quand même une torpille et si on ne s’était pas ôté dans le chemin, automatiquement elle nous aurait fort probablement  frappé (J’appelle ça moi le trou numéro un) dans la cale et puis on se serait pas ici pour le conter. »

«  Avez-vous eu peur qu’une autre torpille soit lancée ? »

« Normalement, ils ne gaspillent pas tant que ça. Faut pas oublier que ça se passait pas trop proche, parce que le Cap Desrosiers,  c’est pas trop loin de Gaspé et qu’à Gaspé, il y avait des avions, puis il y avait tout ce qu’il fallait pour venir nous défendre, mais si elle nous avait frappés, ils n’auraient pas eu besoin  de déranger, on allait au fond.

Mais j’étais proche de la côte, ce qui fait que probablement on aurait pu se rendre sur la côte avec nos chaloupes de sauvetage, ou encore, se rendre, si on était assez proche, mais l’eau est froide en maudit dans le mois de septembre !

«  Et la torpille ? Elle s’est retrouvée, comme on dit, sur la terre ferme ? »

« Elle est allé frapper dans les roches, naturellement, à l’entrée de Saint-Yvon, et elle a fait un certain montant de dommages dans les contre-portes, les vitres…

Moi, à bord du bateau, les vitres de la wellhouse ont tombé, mais tout de même, ça été un détail, on la a …………….., alors on a commencé à faire du zig-zag . On a monté à Petite-Vallée, j’ai pris un taxi pour descendre à Saint-Yvon, pour voir ce qui est arrivé. J’ai ramassé trois morceaux de fer qui étaient de la torpille, j’ai examiné plusieurs parties de la torpille qui pesaient encore plusieurs cents livres. Des enfants et plusieurs personnes du village qui étaient là pour regarder, puis moi aussi.

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J’ai remonté à bord du bateau et le lendemain, on a pas décollé de là, mais durant la nuit il n’y a pas grand monde qui dormait parce qu’on……..  qu’ils étaient pas contents et qu’ils étaient pour nous envoyer une torpille pour le quai, on était attaché au quai, nous autres, mais non, il n’y a pas rien qui s’est passé là .

Le lendemain, on a décollé et on a monté tranquillement vers Rimouski. »

« Vous avez pu éviter la torpille, racontez-moi cette autre histoire, là où vous avez été torpillé, d’une certaine manière, par le sous-marin… »

« Le sous-marin, c’était le H157 (U157 selon les registres officiels),

Un Allemand, quelques mois avant ça, attendez fort probablement, j’essaie de m’enligner, parce que sans ça, de mémoire… vous avez affaire à un petit vieux, là, ma mémoire n’est pas aussi bonne qu’elle était. .. Ça été de même, j’étais encore en devoir à deux heures du matin, deux heures, deux heures et demie, trois heures du matin, tout d’un coup «  BOUM ! BOUM ! » en dessous du bateau. J’ai dit BAPTÊME ! On était au large de Pointe-des-Monts, et au large de Pointe-des-Monts, il y a six, sept cents pieds d’eau, ça peut pas être des roches !

Justement ! C’était le sous-marin ! Les bateaux des lacs, nous autres, on est pal mal bas quand on est chargé, s’il y avait eu une attaque, on pouvait embraquer des personnes, alors ce que j’ai réalisé, c’est que c’était un sous-marin qui avait voulu se mettre à la surface et puis, pour une raison ou pour une autre, en voulant venir à la surface, il nous a frappé en dessous. Il nous a endommagée quelques plaques et puis des « frames » dessous.

Automatiquement, ça été  « FULL HEAD »… pour s’en aller à Godbout. J’ai arrêté au quai et puis je suis allé téléphoner, puis on nous a dit de monter à Baie-Comeau puis de traverser à Rimouski. À Rimouski, et on a rapporté ce qu’on avait, on faisait un peu d’eau, mais tout de même, on a été livrer notre voyage de charbon à Gander, on a chargé du bois, puis on a remonté sur les Lacs. »

« Le sous-marin, est-ce qu’il était endommagé, lui ? »

« Lui, il a du être endommagé pas mal, mais tout de même, il a été obligé de faire surface puis il a engagé bataille avec une corvette canadienne, puis il se sont tiré du canon, mais pendant ce temps là, je filais pour Godbout, parce que nous autres, à bord des barges, on avait rien pour se défendre. »

« Drôle de hasard, vous avez été torpillé, vous avez été frappé par le sous-marin et plus tard, vous avez rencontré le capitaine du sous-marin… racontez-nous ça. »

« Ça, c’est plusieurs années plus tard. La guerre s’est terminée, j’ai été surintendant d’une compagnie de navigation, la « Overseas Traders Limited », puis cette compagnie-là appartenait à un monsieur « Colicondos ( ?) »  qui était armateur grec qui avait acheté plusieurs bateaux canadiens qui avaient été construits pendant la guerre. Et puis, je suis devenu surintendant de cette compagnie là, puis éventuellement gérant. J’ai été demandé par le gouvernement canadien de joindre les forces du gouvernement. Je suis devenu président de la Corporation Commerciale du Canada qui s’occupait principalement de faire, pour le Canada, les achats à l’étranger dans l’équipement de guerre, puis administrer les contrats  et aussi des gouvernements étrangers qui veulent acheter de l’équipement de guerre au Canada. On vendait de l’équipement en Allemagne, en Italie, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Europe. Et entre autres, naturellement, comme les allemands étaient très intéressés à acheter de notre équipement, ils s’intéressaient à Canadair, De Havilland, de Toronto.

J’avais été faire un tour en Allemagne et j’avais rencontré le ministre Sanderson ( ?) de la Défense et entre autres le capitaine, monsieur Kenniper Rail, le sous-ministre de la Défense et je l’ai invité, lui et son équipe, pour venir visiter nos manufactures qui étaient Canadair, de Haviland, Canadian Vickers, Halifax Shipyard…

Alors qu’ils étaient arrivés à Ottawa, on étai bien reçus, on était reçus au CHÂTEAU LAURIER, puis le soir, j’avais donné un dîner à ces invités là. C’était naturel de demander à ces invités là : « Êtes-vous déjà venus au Canada ? »  Il y en a qui ont dit non, quelques-uns ont dit oui, puis entre autres y a un gars qui m’a dit : »Mois, je suis venu au Canada, mais en fait, j’était en dessous de l’eau ! »

Ouais, j’ai dit : « Écoute donc, quand est-ce que tu as fait ça ? »

« Ah ! Il dit, moi j’ai fais ça, c’était dans le temps de la guerre, j’étais à bord d’un sous-marin ! »

Quand on a commencé à établir certaines choses, il a mentionné : « C’est sur le St-Laurent, entre Terre-Neuve et Anticosti, puis un certain soir, j’ai vu un bateau qui s’appelait Oakton »

« Là, on s’est mit à dire « Quand est-ce que c’est arrivé, ça ? » « Un bon samedi, c’était dans le mois de septembre. Ça adonne qu’ils m’ont envoyé une torpille le soir avant, et c’est là que le Oakton a été calé. »

Le OAKTON, photo archives du Musée Naval de Québec

« Fait qu’on aurait dit que c’était lui qui était à bord du sous-marin qui m’avait envoyé la torpille. Je suis devenu blanc comme un drap. Il m’a dit ; « Ça ce peut-il ? »

« J’ai dit oui, oui, celui que tu as manqué, c’est bien moi. Je me suis ôté dans les jambes.

Il était embarrassé. J’ai dit : « Écoute on peut être des amis. Ça c’est passé, mais tout de même comme ça fait quelques années, je suppose que tu vas me dire que tu faisais ton devoir. Moi aussi, je faisais mon devoir ! »

 Photos des archives du Musée Naval de Québec