Le phare de Matane et ses gardiens 1873-1951Page en construction

Les tâches du gardien de phare

Texte et recherche: SERGE OUELLET

Après une certaine période d’automatisation des phares et maintenant l’arrivée des nouvelles technologies, aujourd’hui il y a peu de phares encore sous la responsabilité d’un gardien. La fonction principale de ces gens de métier était de maintenir allumées les lampes du système d’éclairage, du coucher du soleil au lever du soleil pendant toute la période de la saison de navigation. Il devait s’assurer que le système projette un maximum d’intensité lumineuse et pour ce faire, il devait moucher régulièrement les mèches des lampes et maintenir impeccables les lampes, les réverbères et fanaux après chaque nuit de fonctionnement. Le gardien était tenu de demeurer sur les lieux de son travail et ce, même durant l’hiver afin de surveiller les lieux et préparer les équipements pour la prochaine saison de navigation. Tout manquement à l’un des règlements relatifs à l’entretien pouvait être passible de sérieuses représailles, voire même de congédiement. Ainsi l’apparente liberté de manœuvre laissée au gardien de phare demeurait toute relative.

Le gardien devait allumer le phare une heure avant le coucher du soleil. Par temps de pluie ou de brouillard, l’allumage était tout simplement devancé. Après avoir passé la nuit à veiller sur le feu, la matinée était  consacrée au travail préparatoire à l’allumage du phare, puisque tout l’intérieur et l’extérieur de la lanterne devaient se retrouver en parfait état pour la soirée. Au phare de Matane, on utilisait durant cette période 4 lampes à l’huile semblables a celles qu’utilisaient nos ancêtres pour s’éclairer. L’entretien de chacune de ces lampes nous donne déjà un bon aperçu de l’ampleur de la tâche qui attendait le gardien à tous les matins.

Il y avait quatre grands réflecteurs paraboliques qui étaient placés derrière les lampes et qui devaient être astiqués au complet lorsque les lampes avaient trop fumé durant la nuit. Que les mèches fument ou pas, cette tâche devait être accomplie au moins deux fois par semaine.

Le phare actuel avait un appareil de type dioptrique qui était composé de centaines de prismes de verre et les lentilles devaient être nettoyées tous les jours. 0n les débarrassait de leur poussière avec un chiffon de lin légèrement humide, puis on asséchait patiemment le tout avec une peau de chamois.

La matinée se poursuivait avec le nettoyage des vitres de la lanterne. Les corvées matinales prenaient fin avec la remontée du poids qui actionnait le système de rotation du feu. Tout était alors fin prêt pour l’allumage du phare en soirée et le gardien pouvait s’accorder quelques heures de repos bien méritées.

En après-midi, aucune obligation n’était imposée au gardien de phare. Néanmoins, cette période de la journée était habituellement consacrée à des activités personnelles. Malgré cela, le gardien ne devait pas oublier qu’il devait, en tout temps, tenir les environs du phare dans un état qui donne du crédit au gouvernement.

Autres tâches du gardien étaient de tenir un registre quotidien de la consommation d’huile utilisée pour le système d’éclairage et devait compléter des rapports spéciaux lorsqu’il venait en aide a des navires ou marins en difficulté sur le Saint-Laurent. À la fin de chaque année, il devait également dresser l’inventaire complet de tous les effets appartenant à la station et en expédier une copie a leur direction.

En plus de maintenir en bon état la station, le gardien de phare de Matane exerçait des 1879 le métier d’opérateur de télégraphe pour une rémunération de $50.00 par année. A compter de 1884, il s’occupait aussi du fonctionnement des pavillons de sémaphores qui consiste en la composition de drapeaux pour recevoir et transmettre des messages. Pour exécuter toutes ces activités, le gardien seul ne pouvait y parvenir puisque les périodes de repos semblaient pratiquement inexistantes. Soit qu’il avait un adjoint ou que tous les membres de la famille étaient mis a contribution. Dans la “Monographie de Matane”, A. Gagnon nous donne des précisions à ce sujet P “ Des enfants d’Antoine Desjardins, je n’en ai connu que deux, dont Madame Banville qui tint le télégraphe de la tour pendant nombre d’années.” Ainsi, cela confirme les dires de la famille que leur grand-mère s’occupait du télégraphe. Elle était anglaise, originaire de Métis, parlait et écrivait dans les deux langues, ce qui devait lui faciliter les communications avec les instances gouvernementales et dans la tenue des registres.

Les informations sur la navigation étaient transmises deux fois par jour à Québec par lien télégraphique, les armateurs pouvaient ainsi être avisés du mouvement de leur navire puisque les dépêches télégraphiques étaient finalement publiées dans les journaux.

PREMIER GARDIEN: 1873-1879

Francois-Xavier DIONNE, de Rimouski. Marié a Matane, le 7 janvier 1873, à Théodise CHOUINARD.

Il avait un salaire de $200.00 par année. Il termina étrangement cette carrière car il a été suspendu le 16 mai 1879 à cause d’une absence de plusieurs jours de son travail.

DEUXIÈME GARDIEN: 1879 – 1897

Octave DESJARDINS

Marié à Kamouraska, le 17 avril 1855, à Hermine SIROIS.

Lors de sa nomination, il était âgé de 48 ans et avait un salaire de $250.00 par année.

TROISIÈME GARDIEN: 1897 – 1926

Joseph BANVILLE

Marié à Matane, le 4 mars 1889, à Octavie ROY-DESJARDINS

En 1897, il gagnait $250.00 par année avec une allocation de $50.00 pour s’occuper de la lampe (fanal) qu’il y avait au quai de Matane. Il prit sa retraite le 1er juillet 1926, à l’âge de 74 ans, après 29 ans et 5 mois.

QUATRIÈME GARDIEN 1926 – 1936

Jules-André-Octave MORIN

Marié à Rose-Anna BOLDUC, le 22 juillet 1919 (Saint-Fabien, comté de Montmagny).

Militaire de carrière il a fait la guerre 1914-1918. Lors de sa fin de sa carrière au phare il s’est joint au Royal 22e Régiment à titre de Sergent Major et il a participé a la guerre 1939-1945.

CINOUIÈME GARDIEN: 1936 – 1937

André RIOUX

Marié, en 1923, à Louise-Erma TREMBLAY de Matane.

Selon les informations obtenues, ce serait un ancien miliaire qui aurait fait la guerre 1914-1918 et en 1936 il avait environ 50 ans.

SIXIÈME GARDIEN: 1937 – 1957

Camille MCKINNON

Marié le 16 février 1920 à Cécilia MICHAUD de St-Ulric.

Souvenirs de la famille McKinnon

Il semble bien qu’un des aspects les plus pénibles de la tache de gardien était la nécessité de gravir les 56 marches pour transporter tout le matériel essentiel au bon fonctionnement du phare. Au sommet du phare, un bassin d’environ 6 pieds de diamètre contenait le mercure sur lequel s’appuyait le prisme du système d’éclairage. Ce liquide précieux facilitait grandement la rotation de tout le mécanisme d’éclairage.

Le système de poids qui faisait fonctionner le mécanisme pesait approximativement 150 lbs et la durée de la descente était d’environ 6 heures. Avec le temps les gardiens avaient inventé un système qui déclenchait une sonnette lorsque la flamme de la lampe s’éteignait.

Malgré cela il fallait prévoir monter dans la tour aux quatre heures. Aujourd’hui le phare a presque les pieds dans le chemin mais dans ce temps là le plus proche voisin était a 1/2 kilomètre et les enfants devaient marcher 1 1/2 kilomètre pour aller à l’école.

Au cours de ses années de gardiennage, la famille McKinnon fut témoin de plusieurs faits ou événements particuliers. Deux de ceux-ci rappellent encore aux enfants des souvenirs dramatiques. Le premier se situe en 1939, quelques jours avant le déclenchement de la Deuxième guerre mondiale. Ce jour-là, un navire imposant rôde près de la côte de Matane, non loin du phare. Aussitôt alertée, la Gendarmerie royale aborde le navire et le force à accoster. Le vaisseau est alors dûment identifié comme provenant de l’Allemagne. Ce voyage de reconnaissance leur aura peut-être permis d’acquérir une connaissance approfondie du fleuve. Comme nous pouvons le constater, la localisation stratégique des stations de phare pouvait faire des gardiens de précieux collaborateurs en temps de guerre.

Le second souvenir d’un événement qui avait mobilisé le gardien et alerté toute la famille fut celui de décembre 1946 lorsqu’un avion de la Québec Airway s’était écrasé sur les glaces du fleuve un peu a l’est de Matane.

Comme l’événement s’était produit au cours de l’hiver, et comme le phare n’opérait pas, tous les efforts du gardien avaient été nécessaires pour mettra en marche rapidement le système d’éclairage du phare, afin de faciliter les opérations de recherche et de repérage de l’avion. Finalement les victimes furent rescapées au nord-ouest de Les Méchins.

Un tel cas d’urgence avait également été vécu quelques années auparavant lorsque la forte lumière du phare avait servi au capitaine Heppell dont le bateau était parti a la dérive.

Plusieurs autres souvenirs, heureux ou dramatiques, sont précieusement inscrits dans le “livre de bord » du gardien, maintenant conservé aux archives.