Matane a un phare depuis 1873

Recherche : Serge Ouellet

Aujourd’hui, les phares sont la plupart hors service et ne sont plus des outils pour guider les marins. Quelques-uns survivent en attendant qu’une âme charitable accepte de les opérer. Remontons dans le temps afin de mieux comprendre quelle était leur utilité.

En 1860, l’ingénieur en chef du gouvernement recommandait qu’un phare soit construit à Matane. Plusieurs raisons pouvaient favoriser ce choix. Les différents accidents sont très souvent arrivés par le temps le plus calme et le plus serein. La cause première de tous ces incidents serait attribuable à la difficulté de la route ou le cours du fleuve subit une déviation considérable.

Les navires remontant le Saint-Laurent, du côté nord, rendu à Pointe-des-Monts se dirigeaient invariablement vers Matane. Les deux rives sont séparées par un fleuve de 45 km et profond d’une centaine de brasses.

De 1869 a 1875, plus d’une centaine de navires de tout gabarit sombrent entre Québec et Gaspé et sur les cotes de l’Île Anticosti. L’établissement de phares et d’une ligne télégraphique pour demander secours en cas de danger sur le fleuve et le golfe s’imposait de toute urgence.

Au cours des années, suivant la création du Ministère de la Marine et des Pêcheries, le rythme de construction des nouvelles stations s’accentue considérablement. La façon d’augmenter la sécurité passait inévitablement par l’augmentation du nombre de phares, mais par des constructions modestes qui utiliseraient un matériau qui est plus répandu et peu dispendieux, soit le bois. En revanche, les autorités veillaient à doter ces phares des meilleurs appareils d’éclairage malgré leurs couts prohibitifs.

PREMIER PHARE  1873

Le premier phare de Matane s’intégrait dans un réseau de phares construits sur la rive sud du Saint-Laurent. Mis en opération le 1er octobre 1873, soit seulement deux années après ceux de Cap-Chat et de Rivière-Madeleine et un an avant celui de Petit-Métis, ce phare se situait exactement a la même place que l’actuel, soit a environ a trois quart de mille a l’ouest de la rivière Matane. Le choix du site s’explique par la hauteur au-dessus du niveau de la mer et des besoins des navigateurs qui remontent le Saint-Laurent.

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De la base a la girouette, le phare était a 65 pieds au-dessus du niveau des eaux à marée haute  par temps clair, la lumière était visible a 10 milles. A sa base, le phare mesurait 18 pieds par 30 pieds. Le premier étage du bâtiment servait aussi de résidence au gardien. Dans cet espace, était comprise la base de la tour du phare qui avait dix-huit pieds par dix-huit pieds ainsi que la partie utilisée comme résidence familiale.

1903 Le gardien du phare et sa famille

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L’extérieur de ce bâtiment, haut de 28 pieds, était peint de couleur blanche pour les murs, tandis que le toit était de couleur rouge comme la plupart des phares de cette époque. Durant les premières années, le gardien se plaint de l’exiguïté et de la mauvaise isolation de la résidence que le ministère met a sa disposition. Dans la section réservée au “phare”, au deuxième étage, le gardien avait une chambrette qui lui permettait de faire le guet et d’accéder rapidement a la lanterne ou étaient situées les 4 lampes utilisées comme source lumière.

A l’hiver 1877, le gardien Francois-Xavier Dionne a été contraint, à cause du froid, de déménager dans une autre résidence de Matane. Pour résoudre ce problème, le Ministère de la Marine et des Pêcheries accorda, en 1882, un contrat à G. Pelletier, au montant de $22 pour construire une nouvelle aile d’environ 30 pieds par 12 pieds pour creuser un puits d’eau potable ainsi que pour l’amélioration de l’isolation de l’habitation.

Le phare ayant été construit trop près de la mer, soit a environ vingt pieds, il devient urgent en 1884 de le déménager afin d’éviter qu’il subisse d’importants dégâts dûs à l’érosion du terrain par la mer. Ainsi des travaux de déménagement sont entrepris, au cours de l’été 1884, par P. Jobin et il est alors installé tout près du phare actuel, soit à plus de cent pieds de la mer.

Année après année, la mer s’accapara du terrain pour laisser aujourd’hui qu’un maigre 25 pieds de terrain. Peu se souvienne de ce grand espace de 150 pieds qu’il y avait derrière ce phare et qui permettait au gardien de cultiver un grand potager et de garder des animaux de ferme. Dans les années 50, si des travaux de consolidation et d’enrochement n’avaient pas eu lieu, le phare aurait eu les pieds dans l’eau; qu’en resterait-il aujourd’hui !

DEUXIÈME PHARE, 1907

En 1906, le ministère de la Marine et des Pêcheries confia d’importants travaux d’amélioration à la compagnie Stell Concrete Compagny de Montréal pour la station de phare de Matane. Ces travaux consistent en la construction d’une nouvelle structure abritant un tout nouveau système d’éclairage plus puissant. Cette structure est celle que nous apercevons aujourd’hui et qui a une hauteur de 67 pieds. À l’époque, l’extérieur de la tour était peint en rouge.

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Le nouveau phare est alors équipé d’un système d’éclairage intermittent, dioptrique de troisième ordre qui émet une lumière blanche visible à 85 pieds au-dessus de la ligne de la haute marée et à une distance de 15 milles. Cet appareil construit à Paris par la compagnie “Barbier, Bernard & Turenne” émet un groupe de deux jets de lumière à toutes les sept secondes et demie. La régularité de l’intermittence du faisceau lumineux est obtenue grâce à un mouvement produit par la descente d’un certain nombre de poids. Dans leur mouvement, ces poids font tourner le prisme qui repose sur un bain de mercure afin d’éliminer tout frottement. En résumé, c’est le même système, mais à une plus grande échelle, qui actionnait autrefois les horloges grand-père. En plus de modifier le système d’éclairage, les vieilles lampes a l’huile sont également remplacées par une lampe unique a gros manchon qui utilise de la vapeur de pétrole. Les installations du nouveau phare entrent en opération le 10 novembre 1907. Elles seront désaffectées le 21 juin 1951 alors que le  gouvernement aménage un système d’éclairage sur le brise-lames, lequel ne requiert plus la présence permanente d’un gardien et, par conséquent, de tout l’équipement du phare.

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Malgré l’entrée en fonction du nouveau phare en 1907, les anciennes installations ne seront pas démolies immédiatement. Elles serviront encore pendant quelques années de résidence au gardien et à sa famille jusqu’en 1910 année de construction de la présente résidence.

 

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2017: Le phare de Matane et la maison du gardien, maintenant propriété de la Ville de Matane ont subi une cure de rajeunissement de fond en comble.